Depuis mon dernier point sur la question (voir : Le point sur les gens du voyage au Château de Bellefontaine), le sujet a évolué, dans un mauvais sens.
La
communauté d'agglomération a voté une délibération proposant d'installer de 40
à 50 places (sinon 60) pour les gens du voyage sur le site de Bellefontaine.
J'ai
bien sûr voté contre, déplorant la dégradation d'un site. Je précise que la
personnalité des gens du voyage n'est pas en cause, mon vote aurait été
identique pour tout autre projet de lotissement du site. Je vais y revenir en
détail.
Je
dois dire que mes collègues de la majorité avonnaise (notamment :
Marie-Charlotte NOUHAUD, François ROY, Françoise BOURDREUX TOMASCHKE, Yann DE
CARLAN, Muriel CORMORAN, Geneviève ARNAUD), premiers concernés en distance, ont
fait un travail remarquable en établissant une position écrite particulièrement
claire. Je la citerai abondamment, car elle en vaut la peine. J'y souscris
entièrement.
I. Quels sont les
obligations de réalisation ?
A. Obligations de
80 places et une aire de grand passage
Le
schéma départemental seine-et-marnais, actuellement en vigueur a été approuvé
par arrêté préfectoral en date du 20 décembre 2013, pour la période 2013-2019.
Cependant,
pour l'arrondissement de Fontainebleau, Avon et Bois-le-Roi, 40 places auraient
déjà dû être réalisées afin d'atteindre l'objectif établi dans le cadre du
schéma de 2003 : SMEP de Fontainebleau et sa région ou Communauté de Communes
du Pays de Fontainebleau (Fontainebleau, Avon, Bois-le-Roi).
Le
schéma de 2013 a ensuite exigé de rajouter 40 places supplémentaires. Ces 40
places devaient être réparties prioritairement sur les communes connaissant le
plus de passages et/ou de stationnements illicites. Elles étaient réparties
comme suit :
-
SMEP ou CC du Pays de Fontainebleau (Samois-sur-Seine) : 20 places.
-
SMEP ou CC entre Seine-et-Foret (Vulaines-sur-Seine) : 20 places.
Selon
la Loi, les communes figurant au schéma départemental sont tenues, dans un
délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise
en oeuvre. Elles le font en mettant à la disposition des gens du voyage, des
aires permanentes d'accueil aménagées et entretenues, des terrains familiaux
locatifs et des aires de grand passage, dont le schéma départemental a prévu la
réalisation sur leur territoire.
Je
me permets d'exprimer politiquement un désaccord avec cette Loi : en effet, s'agissant
d’un problème national, c'était à l'Etat d’organiser la création et la gestion
des aires. En s'en débarrassant sur les collectivités, l'Etat n'assume pas
son devoir constitutionnel et en plus, sans véritable compensation.
J'estime
que nous n'avons pas à y participer en tant que collectivité - maître
d'ouvrage, ce qui ne veut pas dire que l'on ne doit pas être humain, bien sûr.
Il
aurait fallu, à mon sens, confier à un établissement national comme l'ADOMA,
qui fait un travail difficile et remarquable, le soin de créer et de gérer les
aires. On
aurait eu des économies d'échelle, une gestion plus adaptée avec des
spécialistes et peut-être même en y associant les premiers intéressés !
La
Loi Besson de 2000 se traduit par une gabegie, des dénis de Justice, et aussi
par des décisions absurdes !
B.
"Sanctions" en l'absence de réalisation complète
-
En l'absence de réalisation, le préfet peut consigner la somme équivalente.
Notons que s'il n'y a aucun commencement de réflexion, la préfecture est bien
en peine pour le faire et éviter (rarement d'ailleurs) d'y procéder, car c'est
fort impopulaire. C'est une sanction très rare, mais qui n'est pas une amende,
l'argent étant simplement consigné !
J'estime
que dans ces conditions, quitte à payer, autant que la préfecture prenne ses
responsabilités et l'impopularité de la mesure. Les préfets n'y recourent
jamais en réalité ! Ils préfèrent faire faire le boulot par les élus du
terrain. Mais il me semble, qu'en lui désignant des terrains, c'est vraiment
prêter les baguettes pour se faire battre.
-
L'autre sanction est plus connue et appliquée : la commune n'a pas le droit
d'interdire le stationnement des caravanes en dehors des emplacements réservés
et tout propriétaire ne peut donc directement solliciter la préfecture pour les
expulsions (le Préfet en décide).
Mais,
c'est une sanction à la guimauve, un juriste spécialisé m'a confirmé que tout
propriétaire concerné pouvait solliciter une ordonnance d'expulsion du tribunal
(très facile juridiquement). C'est la seule étape en plus !
Le
Préfet, comme dans l'autre cas, peut ou non décider de prêter le concours de la
force publique. En fait, dans la plupart des cas, le simple passage des forces
de l'ordre, accompagnant l'huissier qui fait l'inventaire des caravanes, (étape
obligatoire dans tous les cas) suffit à faire partir les personnes en
stationnement irréguliers.
II. le projet à
Bellefontaine
A. Un projet de
toute façon insuffisant
Ce
qui a agacé, c'est que malgré une opposition de plus en plus importante à ce
projet, une étude a été diligentée sans information des élus concernés.
Voilà l'opinion de la majorité avonnaise :
"ce
projet dispendieux, irrespectueux envers la forêt et le patrimoine, est
totalement incohérent avec le schéma
départemental des aires d’accueil des gens du voyage qui couvre la période 2013 – 2019 :
- Ce schéma prévoit 80 places d’accueil et une aire de
grand passage sur notre territoire. 40
places sont d’ores et déjà programmées dans le schéma, à répartir entre les
communes d’Avon, de Fontainebleau et de Bois-le-Roi. De fait, ces trois
communes ont pris en 2008 des délibérations conjointes actant un financement
mutualisé d’une aire de 40 places sur la commune de Fontainebleau. Ces
délibérations n’ont jamais été annulées.
- Les 40 autres places sont à réaliser « au vu des besoins
supplémentaires» et se répartissent en
20 places sur Samois et 20 sur Vulaines.
- S’y ajoute une aire de grand passage
dont la localisation n’est pas précisée".
Tout
compte fait, il y aurait 70 places : 50 à Bellefontaine et 20 à Vulaines. Donc,
pas le nombre légal.
En
d'autres termes, l'absence de réalisation de la totalité interdirait d'échapper
aux sanctions. Tout cela pour cela... et à quel prix !
B. Des aspects
financiers irraisonnés
1. investissement
Voici
l'analyse du projet de délibération : l'étude de faisabilité fait apparaître
alors un budget prévisionnel nécessaire d'au moins 2 200 000 € TTC pour 40
places, voire 2 500 000 € pour 50 places. A cette somme, il convient
d'ajouter l'achat du domaine de l'ordre de 600 000 € et un complément pour
tenir compte de la réalisation en deux étapes, pour le sol et les sanitaires,
ainsi que pour assurer une bonne gestion des SOURCES qui affleurent en
plusieurs endroits et des eaux pluviales.
Un
montant global de 3 à 3,5 millions € TTC est donc à retenir dans cette première
approche.
La
réponse des avonnais est du pur bon sens :
"D’un
point de vue financier enfin, c’est de la pure folie : nous allons consacrer trois millions et demi
à une aire de gens du voyage quand nous avons besoin d’investir dans le
tourisme, le développement économique,
l’entretien de nos équipements sportifs.
Dans
l’hypothèse maximale de 50 places, cela revient à 67 000 euros par place sur fonds publics ! Comment justifier des
dépenses aussi disproportionnées aux
yeux des contribuables ? Ce projet coûtera plus cher qu’une cantine qui accueille chaque jour 2 000
enfants. Même avec un taux de subvention de 70%, que rien aujourd’hui ne
garantit, le reste à charge pour la
communauté d’agglomération restera de plus d’un million, soit 20 000 euros par
place, et nous n’aurons rempli nos obligations qu’ à moitié, puisqu’il faudra
encore financer 40 autres places et une aire de grand passage."
2. Les
subventions
J'ajoute
que même subventionné, c'est toujours le même contribuable qui paye.
D'honorables conseillers, vaguement opposés au projet m'ont dit que l'on ne
pouvait pas voter contre une demande de subvention. Sophisme ! Car, on vote
pour un projet à subventionner, pas une demande de subside non affectée. Si on donnait 50 % pour démolir le Château de
Fontainebleau, voterait-on pour une demande de subvention ? Evidemment
non ! Bon, mais avec une subvention 100 % ? La réponse est toujours non !
Mais
l'argument adverse indiquait : peu importe, il vaut mieux faire la demande dès
maintenant, après il n'y aura plus de subvention, et notre communauté devra
payer 100 %.
La
réponse des Avonnais ne s'est pas faite attendre :
"
Sur la question des financements, rien
n’est clair. En investissement, les aires d’accueil sont essentiellement
financées par la DETR et par des crédits du ministère de la Cohésion du
Territoire. La DETR est chaque année mobilisable comme nous le savons. Les
crédits du ministère de la Cohésion sociale dédiés aux aires d’accueil seront
en augmentation en 2018.
Ce
n’est donc pas une manne qui s’assèche. C’est seulement la volonté de l’Etat de ne plus
subventionner les aires d’accueil quand nous tardons à les réaliser. C’est ce
qui est arrivé en effet avec les 40 places prévues sur Fontainebleau. On nous
demande aujourd’hui de faire payer le
prix aux seules communes de Samois et de Vulaines de cette inaction qui a donc déjà conduit à la perte de 400
000 euros. Mais il s’agissait dans ce cas de places déjà inscrites au
précédent schéma".
La
partie adverse réplique qu'un report de quatre ans rendrait aussi les aides de
l’Etat caduques pour les places fléchées comme supplémentaires dans le schéma 2013-2019.
Suite
de la réponse : "Nous pensons que la négociation avec l’Etat peut
s’ouvrir sur ce sujet pour prolonger de quelques mois ce délai, puisque celui-ci accepte bien que
son schéma soit totalement bouleversé."
La
note de synthèse de l'agglomération indique : "Il est entendu que pour
la réalisation de ces deux aires d'accueil, l'État contribuera via des crédits
de droit commun à hauteur de 70 % au financement de la réalisation de ces deux
aires d'accueil".
Ce
n'est pas exact. J'ai procédé à une recherche :
-
l'article 4 de la Loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000, relative à l'accueil et à
l'habitat des gens du voyage indique que l'Etat prend en charge les
investissements nécessaires à l'aménagement et à la réhabilitation des aires
prévues au premier alinéa du II de l'article 1er, dans la proportion de 70 %
des dépenses engagées dans le délai fixé à l'article 2, dans la limite d'un
plafond fixé par décret.
-
justement, le décret n° 2001-541 du 25 juin 2001, relatif au financement des
aires d'accueil destinées aux gens du voyage indique que les plafonds de
dépense subventionnable prévus à l'article 4 de la loi du 5 juillet 2000,
relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage sont les suivants, en
montant hors taxes sont fixés à 15 245 euros par place de caravane pour
les nouvelles aires d'accueil.
L'Etat
payera donc 10671,50 € par place. Pas plus !
Ce
chiffre est à comparer au 67 000 euros par place, calculé par les Avonnais ! On
aura 15,9 % de subventions au lieu de 70 % annoncés, car il y a un plafond.
3. Le coût de
gestion : évaluation de 190.000 à 300.000 € annuel
Il
ne faudra pas oublier le coût de gestion : voilà ce qu'indique le rapport
technique, fait en principe pour 60 emplacements, mais qui n'en traite que de
25 (bizarre !)
"Après
consultation des services de gestion d’une autre communauté d’Agglomération, il
est possible de dégager un coût de gestion de 80 000 € TTC annuel pour une aire
de 25 places. Cette gestion comprend :
-
Deux employés à mi-temps pour accueil et gestion ;
-
Curage des réseaux ;
-
Entretien des espaces verts ;
-
Reprise du vandalisme
Ces
coûts ne font pas état des consommations électriques et eau potable."
Une
évaluation qui ne tient pas compte des dégradations d'abords.
En
prenant comme base l'évaluation précitée, on a du 3.200 € la place.
A
60 places, on aurait 192.000 €.
Vérifions
le caractère juste de l'évaluation.
Un
rapport de la cour des comptes de 2012 indique :
"Selon
les premiers résultats établis auprès d’un échantillon de 80 collectivités fin
2011, 48 % des coûts de gestion sont compris entre 1 500 € et 3 000 € par
place, 24 % entre 3 000 € et 5 000 € et 28 % sont supérieurs à 5 000 €."
Bref,
à 1.500 €/place c'est 90.000 € pour 60 places, à 3.000 €, c'est 180.000 € pour 60
places et à 5.000 €, c'est 300.000 €.
Et
5000 €, c'est un seuil qui est dépassé dans près d'un tiers des cas !
On
jugera qu'il s'agit d'un coût qui n'est pas négligeable mais même très
important (1/5 à 1/3 du coût annuel du Grand Parquet, déjà dispendieux !).
Mais
là où il y a manipulation, c'est la note de synthèse qui amoindrit ce prix, en
totale incohérence avec l'analyse du bureau d'étude :
"Il
est à noter que le montant d'un contrat passé entre la collectivité et une
société gestionnaire (DM Services, VAGO Gestion, SG2A L'HACIENDA,..) peut
varier de 70 000 à 100 000 € en fonction des prestations demandées, auxquelles
s'ajoutent la fourniture et la mise en place de matériels et matériaux
détériorés jurés vu obsolètes."
On
est loin des 192.000 € annoncés comme juste prix !
Où
alors, on se demande comment ce sera géré.
La
loi de Finances de 2014 a conditionné le versement des aides à la création des
aires à l'occupation effective des places.
C. Les atteintes
au patrimoine naturel et culturel
Je
donne à nouveau la parole aux Avonnais :
"Il
n’est pas responsable selon nous de brader l’avenir d’un site naturel de 9
hectares au cœur d’une forêt de protection, comprenant un château riche d’une
Histoire qui mérite de ne pas être oubliée.
D’un
point de vue environnemental, c’est une catastrophe annoncée :
l’imperméabilisation de 6 000 à 15 000 mètres carrés, l’augmentation prévisible
des déchets en forêt, les risques de pillage de bois, en seront les conséquences immédiates.
Du
point de vue patrimonial, c’est condamner toute perspectives de
restauration et de valorisation d’un
château extérieurement en très bon
état, qui a été la résidence de
familles russes, dont l’une d’entre elles, les Orloff, est bienfaitrice de la
commune de Samois. Ce château est repéré dans le PLU de Samois comme bâtiment
remarquable à sauvegarder, ce qui est contradictoire avec l'implantation d'une
aire dans le jardin même dudit château : c'est le condamner à une ruine
certaine car aucun repreneur ne se présentera pour un bâtiment qui sera
ceinturé par les emplacements des caravanes et les blocs sanitaires. Difficile
également d’imaginer un quelconque usage public dans un tel cadre."
J'ajoute
que 10 associations de défense de l'environnement et de protection du
patrimoine ont voté une motion pour la sauvegarde du Château : un élément
à prendre en considération.
J'ai
été très déçue d'entendre Didier Maus, Maire de Samois, en commission des
finances, demander le retrait de la mention dans le dossier "Il comprend le château de Bellefontaine qui a une
valeur historique",
car cette mention pourrait, selon lui, permettre des recours de la part des
associations.
Outre,
le caractère un peu hypocrite et sans aucun doute fallacieux de ce retrait,
juridiquement je n'en vois pas l'utilité. Le caractère historique du Château
n'est pas une question de mention dans un rapport, c'est une question de fait,
qui peut se prouver facilement (voir le dossier de la motion).
Si
le juge devait s'en mêler, les faits seraient établis, il suffit de regarder
dans les publications des Amis de Samois,
association qui fut présidée par René Maus. J'ajoute que plusieurs publications
rappellent que le Château de Bellefontaine fut habité par des ambassadeurs de
Russie, les Orloff et les Trobetzkoi, bienfaiteurs de Fontainebleau et de
Samois, et promoteurs de l'alliance avec la France. C'est un peu vite les
oublier par ingratitude.
Mais
en séance publique, l'argument a été amplifié, les promoteurs de cette
opération ont soutenu que l'on finirait pas abattre le Château de Bellefontaine
qui "risque de tomber sur des enfants de gens du voyage".
D'abord,
le Château est plutôt en bon état. On est rassuré !
Ensuite,
cela démontre la véritable haine contre le patrimoine de certains élus qui
vraiment ne reculent devant rien pour justifier leurs "fins".
Conclusions : Sur
le plan humain
Il
me sera permis de noter que la Ville d'Avon, première concernée comme je
l'avais dit déjà dans mon premier article, a été totalement ignorée par la
majorité de l'agglomération.
Elle
a pourtant des raisons justes de se battre, non seulement pour sauver le
patrimoine naturel et culturel, mais aussi pour des raisons sociales.
Je
tiens à dire enfin, que j'ai été très touchée par la déclaration avonnaise qui
a pris ses responsabilités et j'ose le dire, va même au delà de ses devoirs :
"Il
ne s’agit pas de stigmatiser dans l’examen de cette question des populations
dont les droits humains sont les mêmes que les nôtres, et de chercher à s’en
débarrasser. Il s’agit simplement de
prendre nos responsabilités de façon équitable, sans reporter les deux tiers
des places sur une seule commune, et
sans faire les choses à moitié.
Avon, consciente de ses devoirs, est prête à formuler pour sa part une proposition sur
son propre territoire."
D'autres
collectivités comme Fontainebleau ne peuvent pas en dire autant !