jeudi 31 mai 2018

Mon discours sur la sauvegarde de Bellefontaine au conseil intercommunal du 31/5/2018


Point 30 Etude de recherche de site pour les Gens du Voyage


Je voterai contre cette étude, en l'état, car elle ne répond pas à la réalité du problème.
En effet, la présentation de la note est particulièrement ambiguë : cette étude ne semble ne pas porter sur l'ensemble des obligations mises à la charge de l'agglomération, mais sur seulement 40 places restantes et l'aire de grand passage.
Elle présuppose que la solution à Bellefontaine soit satisfaisante, ce qui, vous le savez, est inadmissible, comme je me propose de vous l'expliquez lors du prochain point.
Si au contraire, les 80 places sont bien dans l'étude, le point sur l'acquisition de Bellefontaine est totalement incohérent.

J'attends en tout cas, que le Président nous démontre le contraire et qu'il explique plus clairement son plan.


Point 31 Acquisition de Bellefontaine




Jamais une aussi mauvaise décision n'aura eu de si graves conséquences.
Les conséquences environnementales, sociales et financières ont été mises en avant par Mme Nouhaud et son équipe.

I. L'Etat se décharge de ses obligations sur les collectivités territoriales

Les communes qui pensent qu'en adoptant le projet d'un site à Bellefontaine se verront récompensées par des expulsions ordonnées par l'Etat, se trompent lourdement.
La Loi Besson est claire : même s'il y avait un respect des quotas imposés par l'Etat, permettant un arrêté municipal d'interdiction de stationnement des caravanes, le préfet ne peut expulser que "si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques" (Loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des Gens du Voyage, article 9). Ainsi, la simple introduction sur le terrain d'autrui ne suffit pas à justifier une expulsion. Les textes sont clairs !
Il ne reste donc qu’une seule procédure de droit commun qui est déjà applicable, par voie judiciaire. Je fais remarquer aux communes envahies par des caravanes illégalement, que les propriétaires concernés peuvent toujours solliciter une ordonnance judiciaire et que si le préfet refuse de prêter le concours de la force publique, l'Etat engage sa responsabilité financière. J'insiste sur ce point dont personne ne semble vouloir parler !

L'Etat pourtant, est le grand responsable de cette situation.
C'est d'abord l'Etat qui a imposé une loi inadaptée aux besoins humains des Gens du Voyage, qui recherchent des terrains privatifs, bénéficiant des services collectifs plutôt que des terrains publics où ils sont parqués, sans concertation.
C'est l'Etat encore qui refuse le concours de la force publique, préférant se débarrasser de ses obligations envers les droits de l'homme des Gens du Voyage sur des communes qui n'ont pas les moyens d'y faire face. Dans certains cas, des élus m'ont même dit que les services de l'Etat, pour être tranquilles ou pour faire pression sur les collectivités, laissaient les Gens du Voyage se garer n'importe où.
C'est l'Etat toujours, qui a fixé arbitrairement les quotas de places et qui joue les indignés, alors que la gestion aurait dû être un service public national.

C'est l'Etat enfin, qui fait un chantage stupide aux subventions. Mais l'essentiel de ces subventions si désirées, sont en réalité un transfert de l'argent pris sur la Dotation d'Equipement des Territoires Ruraux (DETR), bref, l'Etat nous paye avec de l'argent volé aux collectivités, qui devront réduire leurs investissements. 


II. Les collectivités doivent réagir

Vous me direz : que pouvons-nous y faire, sinon nous coucher devant le préfet ?
Je vais vous le dire. Il me semble que l'agglomération aurait dû être le bouclier contre ses décisions arbitraires. Le Maire de Barbizon a fait un écrit qui me conforte dans ce sens.
L'agglomération doit concevoir des aires à un coût économiquement acceptable, car l'Etat nous paiera en ponctionnant la Dotation d'Equipement des Territoires Ruraux (DETR). Cela suppose de ne pas utiliser des espaces forestiers ou patrimoniaux, ni des espaces difficiles d'accès comme à Bellefontaine, car les Gens du Voyage n'iront pas. Cela devient exorbitant : 3,5 M€, sans compter une vraie évaluation du désamiantage, de la démolition et de l’adduction, surtout pour détruire le Château à la fin.
L'agglomération doit attaquer le schéma départemental, car la Loi Besson a des fondements constitutionnellement contestables en ne compensant pas la charge financière réelle des collectivités.

L'agglomération doit fournir des services juridiques aux collectivités et aux propriétaires concernés, pour que celles-ci fassent saisir le Juge judiciaire systématiquement, en cas d'envahissement illégal par des Gens du Voyage. Si l'Etat persiste à ne pas évacuer, malgré une ordonnance judiciaire, en application d’une jurisprudence ancienne et toujours confirmée (C.E. 30 novembre 1923, Couitéas), la commune et les propriétaires peuvent alors obtenir réparation des dommages qu’ils ont subis à l’Etat, devant le tribunal administratif. La jurisprudence européenne récente a d’ailleurs confirmé ce principe fondamental (Cour Européenne des Droits de l'Homme. 13 mars 1997, Horsny c/ Frée).

Sur ce plan, je vous propose une action forte au service de nos concitoyens envahis, contre un Etat irresponsable qui lâche et enfonce nos communes, mais aussi de réfléchir à des sites alternatifs, économes des deniers publics et respectueux de nos devoirs humains et de l'environnement.


En 2008, le Maire de Fontainebleau proposait de mettre l'aire chez l'Etat...



III Des solutions plus consensuelles à notre portée

Après discussion avec des associations responsables, il apparaît que les Gens du Voyage acquièrent de plus en plus de terrains privés, pas toujours constructibles, créant des conflits avec des collectivités qui refusent souvent, à juste titre, des raccordements aux réseaux. Nos collectivités devraient au contraire se rapprocher de ces Gens du Voyage en leur proposant de s'associer à eux, de trouver des emplacements concertés, plutôt que de les laisser acheter n'importe où, tout en leur permettant de se raccorder légalement aux réseaux. Ces terrains, sous convention publique, ce qui répond aux quotas de la Loi Besson, seront plus facilement acceptés, éviteront les campements sauvages et d'éventuels débordements. 
Pour assurer l'ouverture du terrain aux usagers, on peut trouver des responsables du terrain, comme la Loi le prévoit, qui pourront être choisis au sein de communautés en cours de sédentarisation. Cette idée fait de plus en plus son chemin.
Bref, l'idée est de remplir déjà nos obligations légales en labellisant des terrains, ou ceux sur le point d'être achetés par des Gens du Voyage. Quoi qu’il en soit, c’est ce qu'ils feront et pas toujours dans de bonnes conditions. En plaçant ses terrains sous convention publique, nous respecterons la loi Besson, tout en leur offrant des services qu'ils réclament et en permettant une stabilisation humaine de la situation. Je le répète, sur des terrains qui seraient occupés, de toute façon.

À Samois, les associations ont rencontré des membres de la communauté qui jugent cette réflexion comme acceptable, car elle respecte au moins une certaine autonomie des Gens du Voyage. Alors pourquoi ne pas essayer ?


IV Une responsabilité politique durable

Le Maire de Samois a préféré sacrifier un parc et son Château sous couvert du respect de la lettre de la Loi. Mais l'esprit de la loi est bafoué : le projet n'est, ni conforme aux besoins des Gens du Voyage, il est humide et inadapté ; ni économiquement acceptable, avec un coût de la place exorbitant ; ni protecteur du patrimoine de sa propre commune, dont son père était pourtant le farouche défenseur. Qu'il ne dise pas qu'il n'y a pas de terrains disponibles pour 20 caravanes, alors que des terrains privés, d'une capacité suffisante sont sur le marché libre.

Mme Rucheton a été la promotrice principale de ce mauvais projet, alors qu'elle aurait dû prendre en considération la situation particulière de la zone sensible des Fougères. Elle n’a fait que créer une situation de conflit territorial en plaçant en bordure de ce quartier sans concertation avec les Gens du Voyage, sans même que cela leur profite vraiment. Comme d'habitude, ce qui n'était qu'une opération politique à court terme risque d'être nuisible non seulement aux Gens du Voyage, mais encore à l'environnement, au patrimoine, aux finances publiques et aux avonnais ignorés...

J’aurai aimé que le Président de l'agglomération laisse tomber ce mauvais projet. La Ville de Paris lui en a laissé la possibilité. Il le pouvait, en toute légitimité, en lançant une étude sérieuse sur les propositions faites par la Ville d'Avon et les nombreuses associations mobilisées. Malgré ces pressions, la préfecture ne pouvait que constater une avancée sérieuse.

En revanche, Mme le Maire d'Avon s'est inscrite dans une démarche de responsabilité qui l'honore, car elle a préféré la défense du patrimoine culturel et environnemental. Elle a fait des propositions humanistes pour remplir ses obligations envers les Gens du Voyage, même si c'est l'Etat qui les a décidées arbitrairement.

Les communes qui pensent s'en tirer à bon compte seront demain les prochaines victimes de leur conduite. Au lieu de se montrer solidaire d'une commune qui fait de grands efforts, elles devront assumer peut-être chez elle, les places qui manquent et le terrain de Grand passage. C'est dommage d'en arriver là. La Mairie de Perthes semble déjà piégée par cette méthode, je tiens à lui exprimer ma solidarité.

En conclusion, il n'est pas trop tard pour bien faire, et restaurer la confiance du public et des élus dans les autorités de l'agglomération en relançant un processus vertueux et concerté.






ANNEXE

Principe des condamnations de l'Etat

Comme le rappelle une circulaire du 5 juillet 2001 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, les préfets peuvent, selon une jurisprudence constante, refuser le concours de la force publique pour la mise en œuvre effective des ordonnances d’expulsion des gens du voyage. Il reste qu’en application d’une jurisprudence ancienne et toujours confirmée (C.E. 30 novembre 1923, Couitéas), la commune peut alors demander réparation des dommages qu’elle a subis à l’Etat, devant le tribunal administratif. La jurisprudence européenne récente a d’ailleurs confirmé, s’il en était besoin, ce principe fondamental du droit à l’exécution d’un jugement, procédant lui-même du droit à un procès équitable. (C.E.D.H. 13 mars 1997, Horsny c/Frée).


Résumé de la décision du Conseil d'Etat 30 novembre 1923 – Couitéas
(extraits du site du CE)

Responsabilité pour rupture de l'égalité devant les charges publiques
Analyse
L'arrêt Couitéas marque le point de départ de la jurisprudence reconnaissant la responsabilité sans faute de l'administration pour rupture de l'égalité devant les charges publiques. 

M. Couitéas avait été reconnu propriétaire en Tunisie d'un domaine de 38 000 hectares et avait obtenu par jugement le droit d'en faire expulser les occupants. Toutefois, le gouvernement français, auquel il s'était adressé à plusieurs reprises, lui avait refusé le concours de la force militaire d'occupation, reconnue indispensable, en raison des troubles graves qu'aurait entraînés l'expulsion de 8 000 autochtones de terres dont ils s'estimaient les légitimes occupants depuis un temps immémorial. Le Conseil d'État, saisi d'une requête dirigée contre le refus d'indemnisation du propriétaire pour le préjudice qui en résultait, jugea que le gouvernement avait pu légalement refuser le concours de la force armée car il avait le devoir d'apprécier les conditions d'exécution de la décision de justice et de la refuser tant qu'il estimait qu'il y avait danger pour l'ordre et la sécurité. Toutefois, M. Couitéas était en droit de compter sur la force publique pour l'exécution de la décision rendue à son profit, et le préjudice résultant du refus de concours ne pouvait être regardé, s'il excédait une certaine durée, comme une charge lui incombant normalement. En l'espèce, le préjudice, qui lui était imposé dans l'intérêt général, consistait en une privation de jouissance totale et sans limitation de durée de sa propriété, et il était fondé à en demander une réparation pécuniaire.

Ainsi, dans certains cas, le juge considère que la puissance publique peut légalement faire supporter, au nom de l'intérêt général, des charges particulières à certains membres de la collectivité, mais que le principe d'égalité devant les charges publiques, tiré de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, justifie qu'une compensation leur soit accordée. Il convient cependant que le dommage soit anormal et spécial, c'est-à-dire qu'il atteigne un certain degré d'importance et ne concerne que certains membres de la collectivité.

La jurisprudence Couitéas trouve souvent à s'appliquer en cas de défaut de concours de la force publique pour assurer l'exécution d'une décision de justice, qu'il s'agisse de l'expulsion de grévistes d'une usine ou de locataires d'un appartement qu'ils occupent indûment. Lorsque l'exécution de la décision risque de troubler gravement l'ordre public, le refus de concours est légal mais le préjudice qui en résulte est anormal passé un délai raisonnable - puisqu'une décision de justice exécutoire doit être exécutée - et spécial - puisqu'il vise son seul bénéficiaire. Cette jurisprudence vaut également dans d'autres cas de décisions administratives individuelles légales, telles le refus d'autoriser le licenciement de personnels en raison des perturbations dans la vie économique locale qui en seraient résultées (Section 28 octobre 1949, Société des Ateliers du Cap Janet, p. 450), le lancement d'une procédure d'expropriation ultérieurement abandonnée (Section 23 décembre 1970, E.D.F. c/ Farsat, p. 790) ou encore la décision d'un office d'H.L.M. de fermer dix tours d'habitation, entraînant pour un pharmacien la perte de sa clientèle (Section 31 mars 1995, Lavaud, p. 155). Les décisions réglementaires peuvent elles aussi donner lieu à responsabilité sans faute de l'administration (Section, 22 février 1963, Commune de Gavarnie, p. 113).

Le juge administratif considère que la responsabilité de la puissance publique peut également être engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques du fait de lois (voir Ass. 14 janvier 1938, Société anonyme des produits laitiers "La Fleurette", p. 25) ou de conventions internationales (Ass. 30 mars 1966, Compagnie générale d'énergie radio- électrique, p. 257), dans des hypothèses limitées. Ce même fondement justifie enfin la responsabilité sans faute de l'administration en cas de dommages permanents, c'est-à-dire dépourvus de caractère accidentel, de travaux publics, qu'ils résultent de l'exécution de travaux publics ou de l'existence d'ouvrages publics (par ex. : Section 16 novembre 1962, Electricité de France c/ Faivre et autres, p. 615).


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