lundi 25 mars 2019

Le taureau par les cornes, ou l'histoire d'un "cadeau" à 53.500 € TTC

Encore un exemple de décision arbitrairement polémique et coûteuse du Maire pour faire le "buzz"...

C'est une drôle de bête que le Maire veut installer place de la République pour célébrer l'Europe. Les esthètes et les contribuables locaux apprécieront...

C'est un nouveau collectif qui m'a alertée, le collectif du patrimoine bellifontain (collectifdupatrimoine@bellifontain.com), ainsi que plusieurs de nos concitoyens engagés.
La vie d'un Conseiller municipal d'opposition, c'est de travailler les dossiers prioritaires, les finances, mais de temps en temps on nous remonte de jolies perles. Enfin jolies, cela dépend.

Une "oeuvre" discutable

Si l'Europe fait débat, cette oeuvre qui se veut  être une métaphore dans la promotion de l'Union européenne, ne manque pas non plus de faire débat.
Le sujet est mythologique, pour reprendre wikipédia : "Europe, fille du roi de Tyr, une ville de Phénicie (actuel Liban) fit un rêve. Le jour même, Zeus la rencontra sur une plage de Sidon, se métamorphosa en taureau blanc, afin de l'approcher sans l'apeurer et échapper à la jalousie de son épouse Héra. Imprudente, Europe s'approche de lui. Chevauchant l'animal, elle est enlevée sur l'île de Crète à Gortyne (ou au nord du Bosphore selon certaines versions). À Gortyne, sous un platane qui depuis lors est toujours vert, Europe s'accouple avec Zeus, sous forme humaine cette fois. De leur union naissent Minos, Rhadamanthe et Sarpédon qui s'exila en Anatolie, à Milet. Plus tard, Europe est donnée par Zeus comme épouse au roi de Crète Astérion." Pas très moral déjà...


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Il est traité selon l'auteur de manière plus politique, à en croire le bulletin municipal (ci-dessous) : "ce qui m’importe dans cette sculpture, c’est son côté massif, les cicatrices du taureau, mais aussi la force tranquille d’Europe. Celle-ci est une femme fière, droite et consciente, qui domine le colosse et embrasse de son regard aussi bien le passé de notre continent que l’avenir ouvert. Les blessures lisibles sur le corps du taureau, comme sur une carte géographique, lui ont été infligées depuis des millénaires – et nous sommes appelés à les guérir. Nous, les Européens contemporains, devons ensemble faire bouger « l’Europe », et pour le signifier, j’ai ajouté les roues à l’arrière du taureau" (Ce qui lui donne un air d'orgue de barbarie roulant avec les cornes comme brancards).

Nous ne doutons pas du caractère pro-européen de l'œuvre, ni de la volonté "humaniste" de l'auteur. 

Ce qui fait polémique, c'est d'ajouter au traitement particulièrement lourd de la place de la République, une oeuvre violemment contemporaine qui ne s'harmonise pas avec le cadre historique de Fontainebleau. 

On a bien compris que le Maire avait la volonté de trancher avec le passé, tant par son brutalisme que sa volonté de tout bétonner. Il serait sans doute plus avisé d'aller exercer ses "talents" dans un endroit moins porteur d'une esthétique historique.

Un "cadeau" pas gratuit...

A priori, on pouvait, à la lecture du magazine municipal, croire que c'était un cadeau. Ah bon ? Tant mieux ! Car pour les contempteurs de ce lourd bronze, ce serait la double peine.
Le magazine de novembre 2018 semblait nous le faire croire : "Comment avez-vous eu l’idée d’offrir votre sculpture à la Ville de Fontainebleau ?"

En fait, il faut relire un entrefilet de bas de page du numéro de septembre 2018 qui précise : "Michael Jastram s'engage à offrir son travail ainsi la Ville n'aura à supporter que la part incompressible de la fonderie d’art et le coût du transport".
C'est déjà moins un cadeau.



En vérifiant dans la documentation administrative, on découvrira que ce sont les droits intellectuels dont "l'artiste" nous fait cadeau, en attendant, il nous coûte 50.000 € HT et avec la TVA à 7%, 53.500 € TTC.
La décision avait été prise par le Maire seul, le 14 juin 2018, le conseil municipal de septembre 2018 ayant juste ces deux lignes pour en être informé :


Trop tard pour dire non, évidemment ! 

Une relation d'un élu de la majorité et compatriote

On peut d'ailleurs se demander le lien entre le Maire et "l'artiste".

"L’artiste" le dit lui-même : "j’ai exposé à la galerie ArtFontainebleau en 2016 et c’est à cette occasion que j’ai découvert votre magnifique ville."
La "galerie ArtFontainebleau" (10, rue des 3 maillets) a été, je cite son site internet : "Fondée en 2009 par Marco et Sandra Schütz, un couple franco-allemand issu du monde des médias".
Marco Schütz, est surtout connu comme Conseiller municipal de la majorité. Cela crée évidemment du lien.

On se rappellera que la municipalité se plaint de ne pas avoir d'argent et d'avoir, à plusieurs reprises, annulé le feu d'artifice de la Saint-Louis (plus populaire que cela !).
Bref, le Maire a de l'argent pour jouer les mécènes, après tout, c'est l'argent des autres, celui des contribuables que l'on ne consulte pas.

Comme le dit "l'artiste", "ma sculpture fera partie de la vie publique de Fontainebleau, et appartiendra ainsi à tous ses habitants" : effectivement, ce sont bien eux qui l'auront "payé".

Et le taureau de Rosa Bonheur ?

N'eut-il mieux pas valu plutôt refondre le célèbre taureau de Rosa Bonheur, illustré par le poème "Presque" de Prévert qui est apposé sur l'hôtel de l'Aigle Noir ? 
Il avait été inauguré le 19 mai 1901 et avait été offert (dans sa totalité, lui) à la ville de Fontainebleau par Ernest Gambart, Consul général d’Espagne à Nice et marchand de tableaux.

Le magazine municipal fait dans l'humour discutable en comparant les deux oeuvres : "Un nouvel emblème, perçu par l’artiste comme un clin d’œil au taureau de Rosa Bonheur, qui avant d’être enlevé par l'occupant allemand pendant la guerre pour être fondu et servir dans l'armement, trônait fièrement place Napoléon Bonaparte."

Je laisse les Bellifontains faire la comparaison entre les deux :

(Photo : Musée d'Orsay, Fonds Debuisson : 1901 L'Illustration du 25 mai, n° 3039, p. 348).

Note : Le Taureau est une reproduction agrandie d’une sculpture de Rosa Bonheur. Le bas-relief placé à l’avant du piédestal est un portrait de cette dernière (par H. Peyrol), les trois autres (par I. Bonheur) sont des traductions en bronze de trois des plus célèbres tableaux de Rosa Bonheur : ‘Le Marché aux chevaux’, ‘Le Labourage nivernais’ et ‘Le Roi de la forêt’. Ce dernier tableau appartenait alors à Gambart, mécène du monument. Jacob était architecte des monuments historiques.
Les 3 bas-reliefs latéraux représentant des œuvres majeures de Rosa Bonheur ont été sauvés et sont actuellement au Dahesh Museum of Art à New-York (source not : https://www.daheshmuseum.org/portfolio/isidore-jules-bonheurplowing-in-the-nivernais/https://www.daheshmuseum.org/portfolio/isidore-jules-bonheurthe-horse-fair/)